Vol. 4 No. 11 (2024)
Examens d’une technologie de la santé

RapidAI et la détection des accidents vasculaires cérébraux, et l’adoption de l’intelligence artificielle

Publication : November 22, 2024

Messages clés

RapidAI et la détection des accidents vasculaires cérébraux

Quelle est la situation?

  • L’accident vasculaire cérébral (AVC) désigne une restriction ou une interruption de la circulation sanguine dans le cerveau qui entraine une perte soudaine de fonction neurologique. Il s’agit d’une des principales causes de mortalité au Canada, ainsi que d’une cause majeure d’invalidité. En cas d’AVC soupçonné, l’évaluation rapide par tomodensitométrie (TDM) et au moyen d’autres tests peut aider à déterminer le type d’AVC, à évaluer l’ampleur des dommages, et à guider les décisions sur le traitement.
  • RapidAI est une plateforme logicielle utilisant l’intelligence artificielle (IA) qui facilite la visualisation, le traitement et l’analyse d’images de TDM afin d’aider les cliniciens dans l’évaluation des cas soupçonnés d’AVC. Il est important de comprendre les éventuels effets bénéfiques et néfastes du recours à cet outil afin de clarifier son rôle dans la détection des AVC.

Qu’avons-nous fait?

  • Nous avons cherché à repérer, à résumer et à évaluer d’un œil critique la documentation portant sur l’efficacité, l’exactitude et le rapport cout/efficacité de RapidAI dans la détection des cas d’obstruction de gros vaisseaux sanguins (AVC ischémique) et d’hémorragie intracrânienne (AVC hémorragique).
  • Nous avons interrogé des ressources clés, dont des bases de données de références de revues, et effectué une recherche ciblée sur Internet des données probantes pertinentes publiées avant le 22 juillet 2024. Nous avons passé en revue les références en fonction de critères d’inclusion prédéfinis, effectué une évaluation critique des études retenues, rédigé un résumé narratif des résultats et évalué le degré de certitude des données probantes. Nous nous sommes appuyés sur le cadre d’évaluation des technologies de la santé (ETS) du Scottish Health Technologies Group.
  • Nous avons souligné les répercussions de l’utilisation de RapidAI dans la détection des AVC sur les plans éthique et de l’équité relevées dans la documentation clinique, et avons veillé à inclure ces considérations dans l’ensemble de l’examen.
  • Nous avons consulté une patiente ayant subi un AVC hémorragique pour recueillir son expérience, ses points de vue et ses priorités. De plus, nous avons tenu compte de la rétroaction d’experts en clinique et en éthique, du fabricant ainsi que d’autres parties intéressées.

Qu’avons-nous trouvé?

  • Nous avons repéré 2 études de cohorte et 11 études d’exactitude diagnostique se penchant sur l’efficacité et l’exactitude de RapidAI dans la détection des AVC. Trois des études évaluent l’outil utilisé tel que prévu en pratique clinique (soit en complément de l’interprétation d’une personne clinicienne), tandis que les dix autres évaluent l’outil utilisé seul.
  • La patiente consultée a souligné des critères d’évaluation importants des soins après un AVC, notamment l’amélioration de la rapidité et de l’exactitude du diagnostic, la réduction des effets néfastes de l’AVC et la réduction du taux de mortalité. Elle a également mis de l’avant des facteurs éthiques relatifs au recours à l’IA en soins de santé, notamment la nécessité d’assurer la confidentialité des données et l’équité d’accès ainsi que d’informer les patients du recours à l’IA dans le cheminement clinique.
  • D’après des données probantes de faible degré de certitude, l’évaluation d’images d’angiographie par TDM au moyen du module Rapid LVO combinée à l’interprétation d’une personne clinicienne pourrait être associée à une réduction d’importance clinique du temps de production de rapports de radiologie en cas d’AVC soupçonné, comparativement à la seule interprétation d’une personne clinicienne. En ce qui concerne la détection des hémorragies intracrâniennes, des données probantes de faible degré de certitude indiquent que le module Rapid ICH combiné à l’interprétation d’une personne clinicienne a une sensibilité de 92 % (intervalle de confiance [IC] à 95 % de 78 % à 98 %) et une spécificité de 100 % (IC à 95 % de 98 % à 100 %), si l’on prend l’interprétation d’une personne clinicienne comme norme de référence. Cependant, les estimations de la sensibilité et de la spécificité dans la détection de l’obstruction de gros vaisseaux sanguine varient selon des études utilisant différents modules de RapidAI seuls, et l’on ne dispose que de données indirectes sur l’exactitude.
  • L’effet de RapidAI sur les paramètres relatifs au temps écoulé avant l’intervention, sur les mesures de la fonction physique et cognitive et sur la réponse au traitement (p.taux de nouvelle perfusion) est très incertain. Nous n’avons pas trouvé de données probantes concernant l’effet de RapidAI sur plusieurs résultats cliniques importants, notamment les effets néfastes pour les patients, la mortalité, la qualité de vie liée à la santé, la durée du séjour à l’hôpital ou l’incidence sur les ressources en soins de santé.
  • Nous n’avons pas trouvé d’études sur le rapport cout/efficacité de RapidAI dans la détection des AVC répondant aux critères de cet examen.
  • Les facteurs éthiques et d’équité concernant l’autonomie des patients, la vie privée, la transparence, l’accès et le biais algorithmique ont une incidence du début à la fin du cycle de vie technologique lorsqu’il est question du recours à RapidAI dans la détection des AVC.

Qu’est-ce que ça signifie?

  • RapidAI pourrait améliorer les soins aux personnes ayant subi un AVC durant la phase aigüe, comme il améliorerait l’efficacité du processus diagnostique. Cependant, on ne connait pas avec certitude l’incidence de cet outil sur plusieurs critères d’évaluation, notamment des critères importants pour les patients, en raison des limites des données probantes disponibles.
  • Pour pouvoir formuler des constats ayant un degré de certitude supérieur, il faut des données probantes issues d’études rigoureuses présentant un faible risque de biais, portant sur des populations diversifiées, mesurant des critères d’évaluation importants pour les patients, et faisant l’objet de rapports de qualité.
  • À l’heure actuelle, on ne connait pas le rapport cout/efficacité de RapidAI dans la détection des AVC.
  • En plus des données probantes sur l’efficacité et l’exactitude de RapidAI dans la détection des AVC, les instances décisionnelles devraient se pencher sur les facteurs éthiques et d’équité qui émergent au cours du déploiement des technologies intégrant l’IA, notamment en ce qui touche l’autonomie, la vie privée, la transparence et l’explicabilité des modèles d’apprentissage automatique, ainsi que la nécessité de tenir compte de facteurs relatifs à l’équité et à l’accès dans la conception, le développement et le déploiement de ces outils.

L’adoption de l’intelligence artificielle

Quelle est la situation?

  • Partout dans le monde, on assiste à une hausse de l’intérêt pour les dispositifs médicaux intégrant l’intelligence artificielle (IA) et à une augmentation du développement et de l’utilisation de ces dispositifs. Si les technologies de santé numériques, y compris les dispositifs médicaux intégrant l’IA, sont soumises à une évaluation des technologies de la santé (ETS) complète, on peut s’assurer de l’équilibre entre les avantages et les inconvénients de ces technologies ainsi que de l’interopérabilité et de l’équité d’accès pour les personnes vivant au Canada.
  • Au Royaume-Uni, on utilise une liste de vérification appelée Digital Technology Assessment Criteria (DTAC), en français critères d’évaluation des technologies numériques, en complément aux ETS afin de mesurer des facteurs supplémentaires relatifs à la mise en œuvre des technologies de santé numériques. Cette liste est axée sur cinq grands domaines : l’innocuité clinique, la protection des données, la sécurité technique, l’interopérabilité, ainsi que la convivialité et l’accessibilité. Nous ne disposons actuellement pas au Canada d’un équivalent du DTAC qui puisse venir compléter les ETS classiques.
  • Cet examen des considérations de mise en œuvre aidera les systèmes de santé au Canada à se préparer à l’adoption des dispositifs médicaux intégrant l’IA, ces technologies présentant de nouveaux défis. Nous avons cherché à déterminer si des précautions et des critères d’évaluation comme ceux mis de l’avant dans les DTAC et dans d’autres ressources sur l’IA sont en place pour éclairer la prise de décisions sur les éléments de mise en œuvre relatifs à l’infrastructure numérique.

Qu’avons-nous fait?

  • Au moyen d’une approche par étape, nous avons réalisé un examen des considérations de mise en œuvre visant à déterminer si les DTAC pouvaient être appliqués au contexte canadien des soins de santé pour guider la mise en œuvre des technologies de santé numérique, et à relever toute autre considération propre à l’utilisation de dispositifs médicaux intégrant l’IA au Canada. Les deux étapes de l’examen tiennent compte de facteurs relatifs à l’éthique et à l’équité.
  • Lors de la première étape, nous avons appliqué les DTAC au contexte canadien des soins de santé, cherchant à déterminer si des mesures, stratégies et politiques équivalentes ou similaires sont en place pour permettre une mise en œuvre sure des technologies de santé numérique.
  • Lors de la deuxième étape, une personne spécialiste de l’information a effectué une recherche documentaire afin de relever les conseils de mise en œuvre de l’IA pertinents pour le Canada qui pourraient compléter les DTAC. Une personne examinatrice a passé en revue les publications en fonction de critères d’inclusion prédéfinis, a colligé l’information pertinente dans des tableaux et a rédigé un résumé narratif des résultats.
  • Nous nous sommes servis des activités de participation des patients menées dans le cadre d’un autre examen portant sur un dispositif médical particulier, RapidAI, qui utilise l’IA pour détecter les accidents vasculaires cérébraux (AVC). Nous avons ainsi pris connaissance du témoignage d’une patiente ayant subi un AVC hémorragique. Nous avons appris de son expérience, de ses points de vue, de ses priorités et de ses réflexions sur le recours à l’IA dans la prise de décisions cliniques.

Qu’avons-nous trouvé?

  • Avec quelques réserves, nous avons constaté que beaucoup des critères des DTAC trouvaient écho dans les orientations destinées au contexte canadien des soins de santé, les exceptions découlant de différences dans la gouvernance actuelle et dans la structure des soins de santé au Canada. Il faudra poursuivre les recherches pour comprendre si les pratiques et politiques au Canada fournissent suffisamment de données pour satisfaire aux DTAC (p. ex. innocuité clinique).
  • Nous avons relevé un certain nombre de facteurs à considérer quant à la mise en œuvre de dispositifs médicaux intégrant l’IA, dont plusieurs comportent des implications en matière d’éthique et d’équité. Beaucoup des orientations relevées portent sur des considérations de mise en œuvre applicables à l’ensemble du cycle de vie d’un système d’IA, notamment la considération la plus courante, soit le besoin de veiller à ce que les dispositifs médicaux intégrant l’IA soient surveillés, entretenus et viables. Voici quelques autres exemples de considérations : la gouvernance des données d’IA et la protection des données; la transparence et l’explicabilité; et l’inclusivité, l’équité et la réduction des biais.
  • La patiente contributrice a souligné plusieurs considérations pertinentes pour cet examen, comme la protection et la confidentialité des données ainsi que l’accessibilité et l’équité.

Qu’est-ce que ça signifie?

  • Nous avons relevé des considérations clés concernant les dispositifs médicaux intégrant l’IA que les décideurs pourraient prendre en compte afin de favoriser une mise en œuvre réussie et sécuritaire de l’IA dans les soins de santé au Canada.
  • Bien que le Canada soit doté de mesures, de stratégies ou de politiques équivalentes ou semblables aux DTAC, il faudrait une liste de vérification que pourraient utiliser les hautes instances décisionnelles. Cette liste, qui pourrait être une adaptation des DTAC, pourrait comprendre des considérations supplémentaires applicables aux dispositifs médicaux intégrant l’IA. Elle contribuerait à assurer que ces technologies respectent les normes de base minimales établies par les DTAC et à guider les prochaines étapes de la mise en œuvre sécuritaire et réussie des dispositifs médicaux intégrant l’IA au Canada.
  • Cet examen des considérations de mise en œuvre portant sur les dispositifs médicaux intégrant l’IA en général devrait être utilisé conjointement avec des examens portant sur des technologies en particulier, par exemple l’examen en cours sur RapidAI, et servira de rapport de base qui pourra être adapté à différents sujets liés à l’IA et mis à jour à la lumière des derniers développements en matière de règlementation ou d’autres aspects de la gestion de l’IA en contexte canadien.